Différents critères sont discutés chaque année pour majorer les attributions de chaque secteur. Cette manière transparente permet de lutter contre le clientélisme, car dans le même temps toute « écoute sélective » des élus est impossible : cette méthode d’hiérarchisation est précisée avant de faire remonter les demandes.
Mais qui décide de ces pondérations ?
Ce travail de négociation se fait au niveau de la ville entière avec le cabinet de planification qui est chargé de calculer les ressources en prenant en compte trois critères. La définition de ces critères et la pondération a pu varier au cours des années, parce qu’elles sont discutées chaque année par le Conseil du budget participatif :
La priorité thématique choisie par le secteur:
– Priorité 1 : 4 points
– Priorité 2 : 3 points
– Priorité 3 : 2 points
– Priorité 4 : 1 point
Les carences du secteur en infrastructures et services :
– Plus de 76 % du secteur impacté : 4 points
– Plus de 51 % impacté : 3 points
– Plus de 26 % : 2 points
– Moins de 25 % : 1 point
La population du secteur :
– Plus de 200 000 habitants : 4 points
– Entre 100 et 200 000 habitants: 3 points
– Entre 50 000 et 100 000 habitants : 2 points
– 0 – 49 999 habitants : 1 point
Basées sur ces 3 pondérations, les enveloppes budgétaires sont ainsi affectées à chaque secteur. Dans un premier temps, dans l’assemblée plénière de secteur, l’ordre des priorités est décidé. Puis à l’échelle de la ville entière se déterminent les priorités thématiques en additionnant pour chaque thématique le score de chaque secteur. C’est sur cette base où tous les secteurs sont à égalité, quel que soit leur poids démographique, qu’est calculée la répartition du budget sur les différentes thématiques.
Dans un second temps, la réparation des budgets par secteur est modifiée par deux critères de carence et de démographie. Ainsi, sur le raccordement à un égout, si le secteur de Restinga n’a fait aucune demande et qu’il est peu carencé alors que le secteur Cristal a classé ce besoin comme la première priorité et qu’il a davantage de carences, alors même à population égale, Cristal sera mieux doté que Restinga.
Mais cette discussion des priorités se fait au niveau du secteur aussi avec des discussions passionnantes :
Chacun présente les besoins de sa communauté, découvre ceux du voisin. On compare, on argumente et peu à peu la liste des demandes du secteur ou de la thématique se construit, soit par le vote soit autour d’un consensus. (…) Tout ne peut pas être réalisé. Il faut donc définir une hiérarchie des besoins. Alors que, dans les faits, seules les demandes les mieux placées de chaque thème seront satisfaites, certaines communautés doivent céder, au profit d’autres plus défavorisées encore. (…) « Je propose que les communautés votent dans un souci d’intérêt général », lance Marco Antônio Dilly, l’un des 4 conseillers du secteur, avant de montrer l’exemple, renonçant à l’inscription en première position de certaines demandes de la vila dont il est issu. (Porto Alegre, les voix de la démocratie, par Estelle Granet, p.21-22)
Par ailleurs, dans son enquête, à la question « Parlez-vous aux réunions ? » (toujours/presque toujours/parfois/jamais), Baiocchi montre qu’il y a une équité entre les pauvres et les autres, les non-diplômés et les autres. Cela dit, les femmes ont tendance, du moins lors de leur première année de participation, à déclarer qu’elles prennent moins la parole alors qu’elles sont davantage présentes. Cette inégalité de prise de parole disparaît lors des années suivantes de participation, après cette première année d’observation.
En liant ces différents mécanismes, un certain nombre de chercheurs, comme Leonardo Avritzer, parlent « d’inversion des priorités des ressources publiques locales en faveur des populations les plus nécessiteuses ». Même si les décisions sont différentes de ce que permettait le système clientéliste, jamais l’assemblée municipale n’a pris le risque politique de mettre son véto à un budget élaboré avec la population. Il faut aussi noter que si l’ensemble des investissements sont discutés, cela ne représente que 20 % du budget total local. Les discussions sur les salaires et la répartition des employés municipaux ont lieu, même aucune décision ne relève du Conseil du Budget Participatif.
Un commentaire
Les commentaires sont clos.